Richard Baquié
Richard Baquié, FIXER, 1994
4 tirages Cibachrome sous Plexiglas sur châssis métallique, 200x420cm
Coll. FRAC Franche-Comté. © P. Guénat
Né en 1952 à Marseille
il est décédé le 17 janvier 1996 à Marseille
Avant d'obtenir son diplôme à l'école des Beaux-Arts de Marseille en 1981, Richard Baquié a été soudeur, moniteur d'auto-école, chauffeur de poids lourds. De 1993 jusqu’à sa mort il a été professeur de sculpture à l'école des Beaux-Arts de Paris.
Sculpteur incontournable de la scène artistique marseillaise, il a développé dans les années 1980 et 1990 une œuvre très remarquée où se croisent images, textes poétiques et assemblages d’objets industriels, récupérés dans les décharges de sa ville natale de Marseille et d'où se dégage une profonde mélancolie. Il a souvent été associé à l’image d’un "bricoleur sensoriel" tant ses œuvres se réalisent à partir de matériaux de récupération qu’il assemble, manipule et transforme en sculptures mécaniques. Il redéfinit la sculpture à partir des mots qu’il utilise comme une réversion aux objets. "J’ ai toujours été séduit parle pouvoir des mots et le chiasme qu’ils produisent si vous les mettez sur le même plan que les images."
La plus célèbre, Opération Rhinocerus (mars 1983), basée sur l’histoire d’un célèbre rhinocéros offert, au XVIe siècle, au roi du Portugal, consistait donc à faire voyager sur une embarcation un rhinocéros fait de polyester jusqu’au phare du Planier, au large de Marseille. À la suite de cela, il élabore ce qui constitue la partie la plus emblématique de son travail : des sculptures ou installations nées de l’assemblage de rebuts industriels. Cette pratique a été qualifiée par l’artiste, et non sans humour, de « sculpture de série B » ou encore de « garagisme ». Fenêtre de compartiment de train (Autrefois il prenait souvent le train pour travestir son inquiétude en lassitude, 1984), carcasses de voitures (Amore mio, 1985) ou encore hélices d’avion – autant d’objets renvoyant au mouvement, au déplacement, à la motricité – composent son vocabulaire esthétique. À ses matériaux issus de véhicules, Richard Baquié intègre des éléments extérieurs à l’objet dont les dynamiques renforcent l’interaction de l’espace et du temps : l’eau circule en continu et change d’état, les déplacements d’air occupent l’espace, les sons figurent un mouvement physique…
Les mots, au moins autant que les sculptures qu’il produit, sont chez Richard Baquié porteurs de sens et de poésie. Il y a en premier lieu les titres à la fois énigmatiques et imagés de ses œuvres mais également, plus tard, ses installations célèbres qui matérialisent le langage en se composant de phrases comme L'Aventure (1987), Nulle part est un endroit (1989) ou Le temps de rien (1991). C’est en 1991, et à l’invitation de la Biennale d’art contemporain de Lyon, que l’artiste réalise sa dernière grande installation : Sans titre. Étant donnés : 1° la chute d’eau, 2° le gaz d’éclairage…, entreprise d’une ambition rare relevant à la fois d’une « réplique » (à l’échelle 1) et du démontage de la mythique et ultime œuvre (du même titre) de Marcel Duchamp conservée au Museum of Art de Philadelphie.
L’ univers de Richard Baquié, composé d’objets courants et recyclés, dégage une force poétique et mélancolique née de la patine du quotidien. Il allie, dans ses sculptures, la dureté du matériau qu’il travaille comme un bricoleur de génie à une tendresse facétieuse devant la malléabilité du mot et de la matière. Composée de pavés de ciment dans lesquels sont taillés les lettres du mot Morphogène, cette sculpture se transforme en une sorte de fontaine grâce à un système de circulation d’eau .Elle est une forme vivante autant qu’un potentiel énergétique. Le sens du mot qui signifie "ce qui intervient dans la pensée d’une forme organique", tend donc à rejoindre ce lui de la sculpture, et le mécanisme qui l’anime tente de capter la vie de ce phénomène. En travaillant sur le mot, Baquié lui fait subir le même sort que celui réservé aux objets recyclés : il y met en mouvement un flux. La sculpture devient un circuit mécanique fermé : tout y est relié mais aussi détaché de façon à ce que la machine puis se générer son propre principe d’action. L’eau est un élément souvent utilisé par Baquié dans ses sculptures pour rendre sensible une certaine dilatation du temps.
Céline Flécheux, extrait de la notice du catalogue de la collection du Frac Provence-Alpes-Côte d'Azur, 2000
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