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Hélène Rabaté, Sans titre, 2009
Étiquettes cartonnées, papiers peints

La relève !

Florian Bruno, Lisa-Dora Fardelli, Rehab Kinda, Hildegarde Laszak, Léa Macé, Jean-Baptiste Mus, Christophe Pélardy, Renaud Piermarioli, Hélène Rabaté, Moussa Sarr

Exposition du 20 janvier au 13 février 2010

Vernissage le mardi 23 mars à partir de 15h

Dans le cadre d'un partenariat avec l'Ecole Supérieure d'Art de Toulon Provence Méditerranée

La relève !

POUR EUX

Cette exposition consacrée aux diplômés de l’École Supérieure d’Art et de Design Toulon Provence Méditerranée est pour moi l’objet d’une triple satisfaction. Celle, toujours émouvante, de voir ces jeunes artistes bénéficier d’une visibilité de qualité professionnelle dans un espace nouveau et magnifique de Marseille qui manifeste leur envol symbolique hors du lieu de leurs études. Celle aussi de voir deux de leurs enseignants, membres éminents de la structure d’accueil, Édouard Monnet et Ian Simms, les accompagner dans un Commissariat intelligent et généreux, attentifs à la variété de leurs propositions et soucieux de donner la meilleure présentation de leur travail. Celle enfin de matérialiser un lien organique de l’école avec l’association "Vidéochroniques", au bénéfice de l’entrée de ces jeunes artistes dans le monde social, par la grande porte de l’exposition, acte rituel double, conclusif d’une formation et inaugural d’une aventure que nous leur souhaitons riche de succès à venir. 

Jean-Marc Réol

Le commissariat d’une exposition collective est toujours un défi, c’est la raison pour laquelle elles sont généralement organisées à grand renfort de thématiques et de problématiques, qui font office de béquilles et leur permettent éventuellement de "marcher" ou d’en avoir l’air. Quand le seul lien qui unit le groupe ainsi rassemblé se limite au statut commun de ses membres – avoir obtenu son diplôme de fin d’études en juin 2009 à l’École d’Art de Toulon – la tâche peut sembler plus délicate encore, à la limite du praticable. C’est précisément le cas de cette exposition, intitulée pourtant La Relève à force d’enthousiasme et d’optimisme. 

Cette incohérence originelle faite exposition est en effet progressivement devenue un atout, à plusieurs titres. D’une part elle est le reflet d’une absence de tendance, d’effet d’école ou de signature, souvent définitivement dommageable avant même l’amorce d’un véritable parcours. D’autre part elle révèle (anagramme de "relève" dont nous considérons ici l’emploi objectivement hasardeux) la richesse des formes déployées et la variété des médiums employés, partant du dessin pour arriver aux nouveaux médias en passant par la peinture, la sculpture, la photographie et la vidéo. Si les artistes n’ont pas eu l’air de se plaindre leur nouveau terrain de jeu, pour nous, au stade du montage, c’était comme si enfants nous franchissions le seuil d’une boutique de bonbons. Enfin, cette hétérogénéité suppose, garantit ou prouve l’indépendance de chaque projet, son autonomie, depuis sa genèse et les diverses phases de son développement. 

De fait, il y a bien un dénominateur commun à cet ensemble à priori disparate : la qualité individuelle des travaux présentés, que l’exposition éclaire comme jamais ne le ferait un accrochage de diplôme ou d’atelier. Les lignes et les pages qui suivent devraient, nous l’espérons, vous en donner un bref aperçu. 

"Le problème n’est pas de savoir quoi peindre, mais comment peindre". Cette citation de Robert Ryman aura sans nul doute influencé le travail que réalise Florian Bruno, au même titre d’ailleurs que les propos formulés par les principaux peintres associés de près ou de loin à la peinture abstraite d’obédience géométrique ou objective, et plus encore à la forme du monochrome, à laquelle il voue une fascination non dissimulée. Si pour lui "peindre est d’abord une action de recouvrement d’une surface à l’aide d’un mélange constitué de liant et de pigment", le monochrome représente sans doute le comble de la réflexivité en peinture, l’expression même de la radicalité, la porte ouverte à des subtilités inédites tout autant qu’analytiques. 

Récemment, en parlant de son travail, il citait volontiers Torie Begg et sa série de tableaux regroupés sous l’intitulé "Apparently Monochrome". De fait, la peinture de Florian s’inscrit dans une tradition picturale qu’on pourrait qualifier de "processuelle", alors qu’elle est paradoxalement fondée sur un protocole, voire un programme, qui présuppose l’organisation préalable des actions à accomplir, qui prévoit l’ordre des gestes à exécuter, aux fins d’éviter les mauvaises surprises. 

Par exemple, les trois œuvres présentées dans le cadre de cette exposition sont fondées sur l’usage des couleurs primaires qui, appliquées alternativement et successivement les unes sur les autres chacune à dix reprises, ce qui représente trente couches au total, sont censées aboutir à une forme de saturation "apparently black". Mais en définitive, les formes générées ne sont pas si austères à force d’être "abîmées". L’une révèle littéralement le projet de l’artiste sous le judicieux intitulé Origine. L’autre, le tout aussi bien nommé (Origine), fait plutôt figure d’avatar en ce qu’il est la réserve, l’entre parenthèse, la résultante accidentelle du premier . Le troisième, lyriquement titré 30 couches, qui consiste en l’alignement de trente petits formats de dix par dix traduisant chacune des phases du processus, en est la démonstration, ou d’une certaine façon le mode d’emploi présenté linéairement.

 

Lisa-Dora Fardelli est sculpteur et ça se voit : "Par cette création, sur le thème du Mythe de Pandore, je concrétise une réflexion fondamentale et j’offre une étape essentielle qui balise mon cheminement personnel (…) Le "charnier" est une pièce en terre cuite à la fois minimaliste et poétique. Alternance de plein et de vide, d’ombre et de lumière, l’installation est une trace, un indice de quelque chose qui a été, d’une action qui s’est produite et qui perdure dans le temps". 

Plus que toute connotation symbolique ou métaphorique, qui a néanmoins constitué le point de départ, le prétexte à cette réalisation de Lisa, c’est sa matérialité, sa réalité physique qui s’impose d’emblée au regardeur au stade de son aboutissement. Constituée d’une quinzaine de grandes boules en terre, creuses et plus ou moins intègres, elle s’est émancipée de la mythologie dont elle est le fruit, pour acquérir une forme d’autonomie et ne plus rien figurer d’autres qu’elle-même, ce qu’on voit et qui est là, maintenant. Soit, dans un registre moins trivial mais tout aussi concret : des formes, des volumes, des surfaces, des couleurs, des matériaux, des qualités… 

Des traces aussi – témoignages d’accidents, de gestes accomplis, d’un processus de fabrication – qui font finalement de cette œuvre, plus ancrée sur la géologie que la géométrie euclidienne, une véritable archéologie de la sphère. 

À l’arrière-plan d’une vidéo de Rehab Kinda, derrière des bâtons d’encens dont la position évoque celle de barreaux, on perçoit le visage d’une jeune femme déclamant en arabe des prénoms de femmes, quatre-vingt-dix-neuf exactement, rappelant les quatre-vingt-dix-neuf "Beaux Noms" qui désignent et qualifient la divinité vénérée par les musulmans, plus communément nommée Allah, le Dieu omniscient, créateur et incréé. 

Sous l’effet de l’air s’échappant de la bouche à chaque propos émis, la prononciation de ces mots a pour effet le vacillement de la fumée d’encens, après un temps de retard comme s’il s’agissait d’un temps de réflexion. Les noms donnent forme, littéralement, les mouvements de fumée constituent un signe tangible, et les paroles ne restent pas en l’air. Ici en effet on ne s’appelle pas, on est nommé, prénommé par une injonction normative des vertus dont une femme doit être dotée. 

Selon l’artiste, "la prise de parole implique symboliquement une prise de pouvoir. Sous le masque du silence, la logique des systèmes sociaux arabes exige de la femme plus que de la soumission puisqu’en portant ce masque elle devient complice des rapports de force émanant de ceux qui les exercent". Rehab réalise des vidéos mettant en scène des femmes visiblement soumises et dépourvues de moyens d’expression, qui semblent s’abandonner aux stéréotypes, afin précise-t-elle, "de montrer leur confinement dans les champs du privé, de l’intime, du sentimental". 

Mais paradoxalement, le visage sur lequel elle se concentre obstinément devient le lieu d’une expression silencieuse, le support d’un langage muet qui permet à la femme de "s’évader de la sphère domestique, d’échapper au contrôle social, de se singulariser : elle était nous, elle devient je". 

En opérant ce renversement, en modifiant subtilement ces rapports de force préétablis et apparemment inamovibles, l’œuvre de Rehab déborde largement de son cadre, de son ancrage culturel, sociologique ou géographique initial. Elle s’inscrit dans une généalogie que l’artiste revisite, une certaine tradition "féministe" de l’art, ses mères spirituelles pourraient bien être allemande (Ulrike Rosenbach) ou serbe (Marina Abramović). 

Hildegarde Laszak dessine. Elle dessine même à foison, mobilise toutes sortes de papiers, toutes sortes de formats et toutes sortes d’énergies. Tant et si bien qu’il lui aura fallu nommer son installation au moyen d’un seul intitulé, le générique Sept c’est bien pour commencer, à défaut de pouvoir répertorier individuellement les éléments qui la composent. Celle-ci d’ailleurs rejoue le phénomène qui prévaut dans la réalisation de chaque dessin de l’artiste, fondé aussi sur un travail de construction et d’agencement dans l’espace. 

Hildegarde envisage sa production comme "une architecture silencieuse", on serait tenté de dire "sourde". Les contenus qui la nourrissent proviennent indifféremment de faits d’actualité, d’emprunts à la culture populaire, d’épisodes autobiographiques voire intimes saisis dans l’instant ; ses formes s’inspirent tour à tour du dessin de presse, de la bande dessinée, de la caricature, du dessin académique… dont elle déjoue et rejoue sans cesse les codes. Le temps également y fait son œuvre, favorisant l’émergence d’une véritable mythologie personnelle faite de figures récurrentes telles "les bottes et bottines", "la branleuse", "le cœur", etc. 

"Il est très important à mes yeux de préserver l’honnêteté qui qualifie le médium” nous dit l’artiste en précisant sa volonté "de laisser entrevoir le processus et ses à-côtés, à l’inverse d’une pratique de plus en plus indissociable de la technologie et de modes de diffusion formatés". Elle revendique en conséquence les erreurs, les tâches et les déchirures. De fait, l’honnêteté de ses dessins ne fait aucun doute, elle saute aux yeux ! 

Hildegarde écrit aussi. Des mots dessinés, griffonnés, raturés, tracés à l’encre de chine ou découpés dans les pages de magazines et collés comme les lettres d’un corbeau. Elle a le verbe – et le trait – drôle, acide, politiquement / socialement / sexuellement incorrect, parfois provocateur, engagé, insoumis, toujours lucide, en tous les cas jamais complaisant, surtout pas à l’égard d’elle-même. 

Hildegarde a un chien, un little bastard, il s’appelle Pollock. 

Paradoxalement, les sources, le matériel dont fait usage Léa Macé n’est pas issu de l’art, mais plutôt de supports du récit tels que la littérature romanesque ou le cinéma, et plus singulièrement encore la Nouvelle Vague et le Nouveau Roman. Partant de fragments de textes ou de clips extraits de films, dont elle rejoue la forme et déplace l’angle de vue, l’artiste s’attache à l’idée de version, au sens d’adaptation ou d’interprétation, voire de reprise. 

Associé au champ musical le terme "reprise" en anglais se dit cover, ce qui en complexifie le sens parce qu’il induit aussi la notion de brouillage, de recouvrement. Dans La Reprise un rectangle blanc vient justement couvrir le centre d’une séquence que Léa a empruntée au film Le Mépris de Jean-Luc Godard, perturbant ainsi sa lecture, la structure du décor ou de la mise en scène, et surtout, la relation entre les protagonistes, celle de ce couple mythique interprété par Brigitte Bardot et Michel Piccoli. Outre une sorte de mise en abîme réflexive – Le Mépris constituait déjà une réflexion sur le film de Rossellini Voyage en Italie – l’intervention ad minima de l’artiste renvoie à Søren Kierkegaard pour qui "la reprise" proprement dite est "un ressouvenir tourné vers l’avant", pas une répétition mais une re-création, une création nouvelle. 

À titre d’anecdote et aux fins de "boucler la boucle" comme on dit – procédé dont l’artiste est friande au stade de la présentation de ses travaux –, on notera d’ailleurs que cette définition fournie par le philosophe danois apparaît en exergue d’un livre d’Alain Robbe-Grillet, fer de lance du Nouveau Roman, précisément intitulé… La Reprise

L’imagerie à grande gamme dynamique (High Dynamic Range Imaging ou HDRI) regroupe un ensemble de techniques numériques permettant de représenter de nombreux niveaux d’intensité lumineuse dans une image. On peut obtenir ce type d’image en réalisant, par exemple, plusieurs clichés d’une même scène avec des valeurs d’exposition différentes qui, une fois combinés au moyen d’un logiciel, permettront d’améliorer simultanément les détails des zones sombres et des zones claires. C’est précisément la technique employée par Jean-Baptiste Mus pour sa série de photographies intitulée Miniatures. Si l’effet produit est “naturellement” séduisant, il est ici utilisé avec discernement, au service d’une 

réflexion sur la perception de l’image, suscitée, nous dit l’artiste, par "une image du doute qui détourne le spectateur d’un trop rapide acquiescement du visible". Cette série questionne l’apparence d’architectures à la fois singulières et génériques – stations services, aires de lavage –, encombrées de leur incontournable iconographie appelant à la consommation, situées à la périphérie des villes, photographiées la nuit, désertées ; des no-man’s land hyper réels, trop réels pour être vrais justement, que les manipulations dynamiques ont transformé en maquettes, en de chimériques reproductions d’eux-mêmes. 

Au-delà de cette série, la notion d’échelle, de repère, est d’ailleurs largement éprouvée dans l’ensemble des travaux menés par Jean-Baptiste qui "traite l’espace photographique comme un outil visuel, une balise qui situe le corps et le regard du spectateur, un objet de placement et de positionnement".

 

Christophe Pélardy décrit ainsi son approche, qui réside dans l’exploitation et le détournement d’objets mis en scène à travers des médiums aussi divers que le dessin, la sculpture, la photographie, la performance et la vidéo : "La notion "d’étrangeté hybride" en constitue le leitmotiv. J’exploite des éléments liés aux animaux et à l’humain, créant ainsi une identité trouble, masquée". 

"Animal domestique" mais pas apprivoisé, pour reprendre les termes employés par le designer Andrea Branzi au sujet d’une forme de néoprimitivisme, le corps de Christophe constitue le fondement même de ses photographies. Métamorphosé au moyen d’accessoires et d’ustensiles improbables en un être hybride, indiscutablement bizarre (weird conviendrait en anglais), moitié humain et moitié animal, mi-homme et mi-cheval, de genre indifférencié, presque queer, allant même jusqu’à rappeler certains aspects particuliers de l’imagerie BDSM popularisés par des dessinateurs comme Eneg, Eric Stanton ou encore John Willie, l’artiste est devenu Asterion. Ses portraits en clair-obscur et ses (dé)compositions chronophotographiques à la Etienne-Jules Marey relèvent autant de la mythologie et de ses figures que d’une génétique qui aurait dégénérée, présentée dans un cabinet de curiosité ou un freak show, au voisinage d’Elephant Man. 

Christophe a introduit le ver dans le fruit, il aura inséminé un virus ou provoqué un bug dans une Théorie de l’Évolution dont la tournure serait déjà régressive. 

Sémiotique, sémantique, (sous)réel – comme on parlerait de (sous)réalisme –, rhizome, réduction, humour. Six mots (et demi) loin d’être exhaustifs pour décrire Le Grand tout de Renaud Piermarioli : fabrique à usiner la pensée, usine à fabriquer la poésie. 

Bref, un "floutil" de précision que quelques-unes des définitions formulées par Renaud lui-même devraient nous aider à appréhender : "Le Grand tout, c’est de la linguistique amateur", "Le Grand tout c’est plusieurs langages sans explications, Le Grand tout c’est plein de p’tits riens, Le Grand tout c’est pas drôle si on a pas envie de rire, Le Grand tout c’est un croquis de l’espace intergalactique et du continuum espace-temps mélangés ensemble, Le Grand tout c’est un pléonasme, Le Grand tout c’est de l’amateurisme de longue haleine, Le Grand tout ça ne veut rien dire du tout, Le Grand tout c’est pire que le bordel, Le Grand tout c’est ranger sans conviction des éléments fait avec conviction, Le Grand tout c’est tout azimut, Le Grand tout c’est concret sans être palpable, Le Grand tout c’est ça..." 

D’abord Hélène Rabaté fait partie de ces peintres qui jamais n’utilisent de supports ou de produits relevant de la peinture, littéralement, de même qu’elle dessine sans jamais faire usage des attributs légitimes du dessin. Pour elle "il s’agit de travailler à partir d’objets ou de matériaux existants, souvent industriels de par leur mode de fabrication, issus du domaine de la décoration ou destinés à une application courante. J’essaie de repérer dans ces ‘matières premières’ ce qui fait signe ou, au moins, les attributs fondamentaux qui justifient leur utilité et notre manière de les appréhender habituellement".  Parce qu’elle consiste bien en un défrichage du sens second, d’un second degré des signes, sa production se réfère à la sémiotique. Elle cherche à les émanciper de leur vocation communicationnelle, comme elle affranchit les objets de leur fonction, à modifier leur statut désormais mutant. 

Mais la pratique de cette artiste interroge également les notions de processus, d’action, de geste, de pratique même. En un mot, de "travail". Le sien propre tout autant que celui de ceux et celles qui sont à l’origine des matériaux qu’elle utilise ou qui en feraient normalement usage. Elle instaure un dialogue contre-nature entre les principes de répétition et d’organisation scientifique du travail, chers aux adeptes du taylorisme et du fordisme, aux partisans de l’efficacité d’une part, et les activités de petites mains, plus maigres ou plus modestes, ce qu’on désigne par les termes "ouvrages de dames", qui n’ont d’autre intérêt que de passer le temps et lui donner forme d’autre part. Canevas, crochet, broderie… bref, tout ce qui ressemble à du fer forgé en beaucoup plus mou et plus léger. 

C’est sans doute ce qui explique la théorie développée par Hélène au sujet du "rendement minimum" dont Trente-cinq mille constitue une illustration exemplaire. Il ne s’agit pas là de rechercher une absence ou une carence, mais plutôt un écart, une disproportion entre ce qui est donné à voir et les efforts consentis pour accomplir. Il s’agit de vider le travail de sa destination, de son objet, pour n’en garder que la substance, le travail lui-même, le "faire", le labeur, sans jamais que soit rendu ce caractère laborieux au stade de sa réception. 

Cette œuvre pourrait bien être le fruit d’une relation consommée entre Satie et Beckett. Elle érige l’aliénation au rang d’art. 

Moussa Sarr est pour le moins laconique quand il s’exprime sur son travail : "Très souvent, je joue avec ma propre image ; il s’agit de devenir un cliché pour tordre le cou aux clichés". Il a finalement raison, ses images sont explicites, elles résistent d’ailleurs au bavardage. 

Si il est effectivement le sujet de ses photographies et de ses vidéos, l’artiste dépasse largement les problématiques généralement associées à la pratique de l’autoportrait (de l’autoreprésentation, de l’autofilmage, etc.) pour aborder un questionnement sur les stéréotypes et les préjugés raciaux, sociaux ou sexuels, l’exercice du pouvoir et les discriminations qu’ils supposent, un questionnement sur la morale et son principe simpliste de hiérarchie, un questionnement sur l’altérité qui le pousse à revêtir l’habit de celui dont il diffère, éventuellement de l’ennemi juré. 

"Blanc et noir", "amour et haine", "bien et mal", "bourreau et victime", "colonisateur et colonisé", "appartenance et exclusion", "singulier et générique"… pourraient constituer le début d’une liste de notions duelles que Moussa convoque et met en tension subtilement dans ses images, par le biais d’une iconographie identitaire abordée avec humour et autodérision. 

Pour bien faire, cette exposition aurait du se dérouler il y a quelques semaines, alors que sous l’effet d’une heureuse coïncidence des calendriers, plusieurs manifestations battaient leur plein, dont l’objet était de mettre en lumière les réalisations de jeunes diplômés fraîchement sortis des écoles d’art d’Aix-en-Provence et de Marseille. Ici à La Compagnie, là à la Galerie des Grands Bains-Douches de la Plaine et à la Galerie Montgrand. Nul doute que ce rendez-vous manqué se reproduira – que la party est remise – ainsi que la saine émulation qu’il n’aurait pas manqué de susciter chez les uns et les autres. Nous étions, pour notre part, déjà bien excités à cette idée – Toulon n’était pas en reste – sauf l’incident malencontreux dont Vidéochroniques a été la victime, qui nous conduit aussi à considérer sous un autre jour l’intitulé initialement choisi pour cette exposition : "La Relève !", qui s’écrit désormais avec un point d’exclamation. 

Passons pour terminer à la rubrique des remerciements et des crédits, comme le veut la coutume. 

Outre celui qui a été accompli par les artistes, vos serviteurs et l’équipe de Vidéochroniques, la densité de cette exposition doit sans doute beaucoup au travail réalisé préalablement dans le cadre de la coordination de la cinquième année – alors que nous parlions encore d’étudiants – animée la majeure partie du temps par Jérôme Dupin, que nous tenions à remercier du cadeau, au passage. 

Reste à vous livrer de discrètes informations biographiques concernant les artistes : Florian Bruno, Lisa-Dora Fardelli, Rehab Kinda, Hildegarde Laszak, Léa Macé, Jean-Baptiste Mus, Christophe Pélardy, Renaud Piermarioli, Hélène Rabaté et Moussa Sarr sont nés entre 1981 et 1985 à Hyères, Algajola, Ksar el-Kebir, Toulon, Fréjus, Cannes, Chenôve et Ajaccio. Ils vivent et travaillent au Pradet, à Toulon, Grenoble et Paris. 

Édouard Monnet et Ian Simms 

RESSOURCES

Revue de presse

ÉQUIPE

Édouard Monnet

Commisariat

Frédéric Gillet

Régie, logistique

Elsa Roussel

Communication, administration

ARTISTES

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Florian Bruno
Fardelli_Lisa-Dora-Charnier-Intestinal,
Lisa-Dora Fardelli
Kinda_Rehab_99 noms de femmes_2009_Video
Rehab Kinda
Laszak_Hildegarde-Sans titre (les mecs a
Hildegarde Laszak
Mace%CC%81_Lea-La%20reprise%2C%202009%20
Léa Macé
Mus_Jean-Baptiste-Miniatures,20099 photo
Jean-Baptiste Mus
Pélardy_Christophe-Série Asterion, 200
Christophe Pélardy
Piermarioli-Renaud-2009-2010-Animation i
Renaud Piermarioli
Rabate%CC%81_He%CC%81le%CC%80ne-Sans%20t
Hélène Rabaté
Sarr_Moussa-Autoportrait 2009 Photograph
Moussa Sarr
Sofi Urbani
Frédéric Vaësen
Raphaël Zarka
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